Chapitre II. Histoire des lames japonaises

A présent , nous allons nous intéresser à l'histoire du sabre japonais , sabre au sens
large du terme , c'est-à-dire ,l'ensemble des lames sucessives qui aboutiront à
l'objet que l'on considère aujourd'hui comme "le" sabre japonais : le NIPPON TO .

Comme je l'ai dit précédemment , l'histoire des sabres japonais est étroitement liée
aux évènements géopolitiques marquants de ce pays.Je décrirai donc cette génèse
en m'appuyant parallèlement sur les diverses périodes de l'histoire nippone .

Le sabre,arme essentielle des bushis(guerriers)est donc étroitement lié aux hommes et à leur histoire.
En effet , si l'on fait un comparatif entre les armes occidentales et le sabre japonais au travers
des siècles , on s'aperçoit que les armes ont progressées avec la science chez les occidentaux ,
et la nature des combats se sont déroulés stratégiquement en s'adaptant aux nouvelles armes
fabriquées grâce à cette science .
Au japon , ce sont les combats qui ont fait progresser le sabre en qualité .
Seule exception , le mousquet , arme importée par les occidentaux qui a modifié , comme
en occident , la nature du combat .
Le sabre apparait dans la mythologie la plus reculée ; il est l'un des trois trésors de l'empire
avec le miroir et le joyau .Ce sabre aurait été trouvé , d'après la légende , dans la queue d'un
dragon décapité par le frère de la déesse du soleil , AMATERASU , dans le panthéon Shinto .
" Sabre précieux rassembleur de nuages " , puis " sabre faucheur d 'herbes " furent les appellations
qu'on lui donna ; Tout ceci montre , si besoin est , l'importance du sabre pour les japonais .

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LA PREHISTOIRE DES LAMES :

PERIODE YAMATO , NARA et DEBUT HEIAN : de 250 à 987 : DES EPEES AUX JOKOTO

Durant l'ère KOFUN , les armes évoluent et deviennent plus tranchantes ; à cette époque , les lames créées sont plates , à deux faces, en HIRA-ZUKURI . ( cf Chapitre VIII , typologie des sabres , § " Architecture " ) .
Le début de l'ère ASUKA , verra la création des lames en KIRIHA-ZUKURI ( dito référence précédente ) .
Ces lames ne sont pas encore des sabres , mais plutot des épées ," KEN " en japonais , puis viendront CHOKUTO ou encore TSURUGI .
Elles sont influencées par les cultures continentales de la Chine et de la Corée .

A partir de l'an 645 , mi-ASUKA ,apparait l'arme que l'on nomme " JOKOTO ", sabre ou épée présentant un début de courbure .
Les jokoto exhumés ont rarement été dans un parfait état du fait du climat particulier du JAPON , très corrosif .
Fort heureuseument pour l'histoire , certains cependant , furent préservés en bon état de conservation : il apparait alors que ces lames étaient forgées à partir d'une seule pièce de métal , contrairement à la forge future et elles traduisaient souvent un manque d'habileté dans leur conception structurelle .
De plus , la pratique de la trempe à l'argile semble ne pas avoir existé à cette époque .
Par contre ,malgré les défauts énoncés précédemment , ces lames arborent une assez bonne qualité au niveau de l'acier et du grain , prouvant ainsi que les principes fondamentaux de la forge été déjà établis , connus et appliqués dans leur intégralité à cette époque .

La naissance des premières lames dignes de renom , remonte à la fin de l'ère ASUKA , avec celui qui est considéré comme le père de la forge japonaise , AMAKUNI qui oeuvrait dans les années 700-710 .

Ces lames anciennes sont reconnues comme des trésors nationaux ou " KOKUHO ", notamment les suivantes :

- KONDOSO KANTO NO TACHI datant de la fin de l'ère KOFUN
- HEISHI SHORIN KEN & SHICHI SEI KEN
- LES EPEES DU SHOSO-IN ( 55 lames )
- FUTSUNOMITAMA NO TSURUGI
- KONDOSO KUROURUSHI NO TACHI ( ère ENRAKU 782-806 )
- KOGARASU-MARU ( ci-dessous à gauche )appartenant à la famille TAIRA ; son attribution à AMAKUNI est sujette aux doutes et l'on considère plutot sa création comme plus tardive et l'oeuvre d'un forgeron du YAMATO den , du début de la période HEIAN .
Quoi qu'il en soit , cette lame avec sa courbure particulière est un modèle de transition entre le JOKOTO TACHI et le NIHONTO TACHI , qui présente les caractéristiques quasi-intégrales du sabre japonais .
- KENUKIGATA TACHI :( ci-dessous à droite )Ce jokoto , à l'instar du précédent , constitue un pas supplémentaire par rapport au KOGARASU-MARU vers le NIHONTO véritable .

kogarasumaru
kenukigata tachi

FIN HEIAN - FIN AZUCHI-MOMOYAMA : de 987 à 1596 : LES LAMES KOTO ( " anciens sabres " )

FIN HEIAN - DEBUT KAMAKURA : 987 - 1235

L'évolution du JOKOTO vers le NIHONTO que nous connaissons aujourd'hui représente un progrès remarquable . Ce dernier est indubitablement supérieur du point de vue de la pratique guerrière au jokoto ; d'un point de vue esthétique , l'élégance ,l'équilibre ,la ligne de trempe , le grain sont plus raffinés que ceux du jokoto .
Techniquement , l'architecture en SHINOGI ZUKURI ( cf Chapitre VIII , typologie des sabres , § " Architecture " ) , assez rare précédemment , se généralise davantage car plus tranchante .
Cela se démontre par ailleurs " physiquement ", car le déplacement de la ligne de forge longitudinale ( SHINOGI ) vers le dos du sabre , accroit l'angle de coupe de l'épée .
Seul inconvénient de cette forge , une lame trop tranchante casse facilement et n'est donc que d'une utilité restreinte contre des objets résistants comme une armure .Pour perfectionner le sabre et obtenir une lame tranchante , solide et résistante , celle recherchée ,il faut remplir 3 conditions , à savoir : l'épaisseur du dos , la hauteur et l'emplacement du Shinogi .
Ensuite , le Jokoto , présentait certes une courbure réalisée volontairement , mais quasi toujours vers l'intérieur , et si elle se présentait vers l'extérieur ce n'était que par accident .
La courbure du Nihonto est quant à elle parfaitement conçue et " parachevée ergonomiquement " pour trancher .
Cette courbure se réalise à la forge et s'achève par la trempe à l'aide de la gangue d'argile ( cf chapitre VI ) .

La guerre civile des ères SHOHEI & TENGYO entre 935&941 qui se produisit lorsque TAIRA NO MASAKADO & FUJIWARA NO SUMITOMO organisèrent une rebellion face au gouvernement de l'époque, modifia certaines données .Les protagonistes de cette guerre ont davantage axé les combats dans une lutte en corps à corps au lieu des combats à cheval traditionnels .Quelques temps plus tard , lors des campagnes de ZENKUNEN ( 1051-1062 ) et GOSANNEN ( 1083-1087 ) qui furent de grandes batailles , le developpement des lames japonaises fut clairement observé , au travers des combats . Ceci entraina un accroissement de la forge à travers tout le pays . De nombreux artisans forgerons apparurent et la développèrent , permettant à la classe guerrière de se" magnifier " avec ces armes .

Cette classe guerrière confirma son ascendance sur la hiérarchie de la société japonaise durant la guerre civile de HOGEN ERA en 1156 et celle de HEIJI ERA en 1159 qui permit la prise de pouvoir du clan TAIRA .
A l'accession au pouvoir de MINAMOTO NO YORITOMO en 1185 , celui-ci garantit des terres aux plus puissants en échange de services rendus . Il installa de plus ses vassaux à la gestion des administrations locales ; dans les deux cas , des armées , plus ou moins civiles furent nécessaires pour garantir l'ordre . La demande pour des sabres s'en trouva amplifiée et des écoles de forge
fleurirent dans différents endroits .

Les premières traditions , naquirent : YAMATO DEN fut la première avec l'école SENJUIN vers 1184 , sur les terres foulées jadis par AMAKUNI puis très rapidement car très proche d'elle géographiquement, la tradition YAMASHIRO vers 1187 avec l'école AWATAGUCHI , suivant l'inspiration d'un autre grand forgeron SANJO MUNECHIKA , de même que la tradition BIZEN avec l'école ICHIMONJI qui apparait à la même date approximativement .
A cette époque , malgré la qualité évidente de la tradition YAMASHIRO , c'est pourtant l'excellence de la tradition BIZEN qui semblait prédominente .
Après un règne de 3 générations , le pouvoir MINAMOTO s'éroda au profit des HOJO , l'empereur GOTOBA lui , en profita pour tenter de restaurer le pouvoir impérial vers 1220 .
Malheureusement son action échoua et il fut condamné à l'éxil ; Pourtant , cet empereur était un féru d'art et un mécène de la forge ; il convia ainsi à sa cour retirée , des forgerons de plusieurs écoles et contribua à assurer la reconnaissance de la forge japonaise à laquelle il s'essaya d'ailleurs. Ces forgerons surnommés par la suite GOBAN KAJI , appartenaient aux provinces YAMASHIRO , BIZEN et BITCHU , et représentaient notamment les écoles ICHIMONJI , AOE et AWATAGUCHI.

MILIEU ET FIN KAMAKURA : 1236 - 1332

La progression importante du sabre japonais durant cette période est essentiellement le fait d'évènements aussi importants que difficiles pour les japonais : les deux invasions sino-mongoles de 1274 et 1281; après avoir repoussé difficilement une première invasion sur l'ile de KYUSHU en 1274 , la deuxième invasion ne dut son échec que grâce à "l'intervention" de 2 typhons , surnommés " KAMIKAZE " autrement dits " vents divins " qui détruisirent les quelques 3500 navires composant la flotte mongole . Une troisième invasion fut projetée mais jamais elle ne se réalisera .
Pourtant,les autorités shogunales durent maintenir l'état d'alerte sur les zones cotières , et exercer une pression constante sur les guerriers du district de KYUSHU , l'endroit le plus névralgique , pour qu'ils soient prêts à réagir au plus vite .

Des batailles contre les mongoles , il résulta des modifications sur les sabres . Ceux-ci devinrent plus robustes grâce aux mélanges des différents aciers , l'arme devenant plus résiliente et plus résistante , du fait de la trempe . D'autre part, ses lignes devenues plus complexes et plus diversifiées , participèrent également à améliorer l'efficience du sabre .
Une tradition fut notamment la grande instigatrice de ces changements , la tradition SOSHU ( appelée aussi SAGAMI ) . Cette tradition à l'origine de laquelle se trouve un transfuge de la tradition YAMASHIRO , YUKIMITSU ,sera imprégnée au départ par les caractéristiques de cette forge .
Ces lames superbes produites par ces artisans furent alors demandées par les guerriers venus spécialement pour elles ; ceux-ci dispersèrent ensuite cette "aura" aux quatre coins du pays , tant est si bien qu'à la fin de la période HEIAN , la tradition SOSHU était , et de loin ,la plus influençante de toutes les traditions .
Apparue vers 1303 , avec YUKIMITSU donc , elle sera servie par deux autres grands maitres artisans : MASAMUNE et SADAMUNE .
La prédominence de cette tradition se confirmera à la période suivante .

PERIODE NANBOKUCHO : 1333 - 1392

Cette période vit naitre la cinquième et dernière tradition du GOKADEN : la Tradition MINO ( appelée aussi SEKI ) vers 1340 avec l'école KOEI .Cette époque est celle de la guerre entre les cours du Nord et du Sud ; Il régnait une très grande instabilité dans le pays avec de nombreux conflits , un besoin croissant de troupes et donc d'armes ; et justement , en matière d'armes , c'est aussi la période des extrêmes : lames amplifiées plus longues voire très longues et même démesurées ; Toutes , depuis les naginata , les tanto ( SUNNOBI TANTO jusqu'à 43 cm ) , jusque bien sur , les tachi .
Ceux d'entre eux , plus longs que la norme , sont nommés ODACHI ou NODACHI ou encore SEOI TACHI et arboraient des lames de 120 à 150 cm mais certains ont atteint des tailles hallucinantes et étaient même portés par plusieurs hommes .( voir photo N°1 et N°2 jointes ).
Nombres de ces sabres furent par la suite raccourcis entrainant une amputation des signatures avec pour conséquence beaucoup de lames sans indication d'origine .Les lames des NAGAMAKI , sorte de NAGINATA , très démesurées elles aussi , furent raccourcies et converties en lames de Katana , opération après laquelle la lame ainsi raccourcie est connue sous le nom de NAGAMAKI NAOSHI . La tradition SOSHU fut au plus haut , et fut reprise même au sein de la tradition BIZEN ,alors que dans le même temps , les traditions anciennes YAMATO et YAMASHIRO déclinèrent et en vinrent même à fusionner .
Ces lames , même disproportionnées n'en demeurèrent pas moins , pour la plupart d'entre elles des modèles de qualité et d'équilibre .

PERIODE MUROMACHI : 1392 - 1573

Enfin , la paix ( toute relative ) est arrivée suite à la victoire de ASHIKAGA YOSHIMITSU et sa prise de pouvoir .Hélas , le shogunat n'eut pas suffisamment de force de contrôle sur les daimyos extrêmement puissants et son pouvoir s'effrita .Les confrontations Nord-Sud reprirent et aboutirent à la guerre SENGOKU JIDAI en 1467 ; celle-ci durera jusqu' à la victoire pour l'unification de ODA NOBUNAGA (assisté de TOYOTOMI HIDEYOSHI et de IEYASU TOKUGAWA ) en 1568 , qui marqua le début de la période suivante .
Cette période ci est plus pauvre pour la forge que les précédentes , moins de forferons de grande qualité apparurent ; les innovations techniques furent cependant assez notables .
On peut considérer deux périodes distinctes pour la forge durant la période MUROMACHI :
- la première qui s'étala depuis sont début jusqu'à la guerre de 1467
- la deuxième depuis cette date jusqu'à la fin de l'ère Muromachi .

Durant la première partie , les guerriers essayèrent de conserver le style de vie culturel et social du début Kamakura et cela se refléta sur les lames ; finis , les excès de l'ère Nanbokucho et ce fut le retour aux lames plus équilibrées et plus raisonnablement proportionnées du début Kamakura . Seule exception , la courbure des tachi , en SAKI ZORI plutot qu'en TORII ZORI comme au début Kamakura .( voir la courbure des lames chapitre VIII ) .

Cette période , riche en combats , vit se modifier le style des combattants . Pour répondre à l'adversaire , l'utilisation du sabre se modifia . Le NUKI UCHI est la base de cette modification . NUKI UCHI,c'est dégainer et trancher dans le même mouvement ; comment ? et bien , en portant le sabre tranchant vers le haut dans la ceinture ( OBI ) .
Le tachi , porté suspendu à la ceinture , nécessite deux mouvements pour trancher contre un seul dans l'autre cas ; seulement , le KATANA ,un peu plus court que le tachi,fut idéal pour cette action et devin le symbole à la fois du NIHONTO et NIPPONTO.

A cette époque , les lames nues de tachi et de katana n'étaient guère distinctes dans leur forme respective , seules les signatures tachi-mei et katana-mei différenciaient les deux sabres .( cf Chapitre VIII § sur les signatures ) .
Le KATANA était porté bien avant cette période mais plutot par les guerriers de bases et ne semblait pas intéresser outre mesure les dignitaires et commandants de haut rang et c'est à cette époque , justement , qu'ils s'y interessèrent .
Le sabre court ,nommé UCHIGATANA , apparu , quant à lui au début de l'ère EIKYO vers 1429 et obtint sa forme définitive pour le début du SENGOKU en 1467 .Durant toute la fin de la periode MUROMACHI , celui-ci se rencontrera quasiment partout sans subir de variations , alors que le Katana pendant la même periode supplanta le Tachi pour atteindre sa taille parfaite d'équilibre et d'efficacité .

Cette époque fut aussi marquée par la reprise du commerce avec les chinois à l'initiative de ASHIKAGA YOSHIMITSU .
La popularité des sabres japonais amenèrent ceux-ci à vouloir s'en procurer et de nombreuses lames furent forgées pour l'exportation . Ces fabrications en masse ou " KAZU UCHI MONO " voire " TABAGATANA " pour les armes vendues par fagots , ne présentaient pas les mêmes qualités que les armes forgées pour les guerriers , sur mesure, sur commande ou " CHU MON UCHI " .
Pour faire face à la demande , les forgerons ont donc adapté leur technique de fabrication . D'abord , l'acier . Auparavant la majorité voire même la quasi-totalité de l'acier TAMAHAGANE était fabriqué par le forgeron et ses assistants .Dorénavant , il allait devenir produit sous-traité apportant donc un gain de temps pour la forge voire un gain de cout avec la mise en concurrence des fondeurs de métal . Ensuite la forge elle-même fut modifiée . Auparavant constamment exécutée par le forgeron, elle était maintenant déléguée . Aux apprentis le travail grossier , aux étudiants plus expérimentés la forge courante , pliages , martelages et repliages successifs , enfin au " maitre artisan " , TSUKURIKOMI , réalisation de la forme et des arêtes , profilage du tranchant et pour finir réalisation de la délicate trempe .Dernier effort du maitre indispensable , la signature .
Il suffisait donc d'un peu de main d'oeuvre supplémentaire , généralement bon marché ( apprentis peu rétribués et étudiants ayant besoin d'apprendre ) , tout cela pour une production de masse manuelle . Bien sur selon l'aptitude de chaque forgeron et sa faculté à bien éduquer élèves et apprentis , en plus de la correction pour assurer sa propre tâche , les productions de masse devaient être plus ou moins bonnes.
Ce commerce intervint après la guerre d'ONIN en 1468-1469 .
Jamais les forgerons ne furent aussi nombreux qu'à cette époque ; ceux de Bizen en premier lieu suivis par ceux de Mino , ces deux provinces accueillant plus de la moitié des forgerons actifs de cette période .
Cette époque vit aussi l'arrivée des occidentaux , des portugais échoués par hasard qui amenèrent avec eux une arme révolutionnaire pour les japonais : Le Mousquet ou Teppo .
C'était en 1543 ; 2 ans après des répliques étaient créées par des forgerons japonais , 30 ans plus tard , une armée de fantassins équipés de ces mousquets domina une armée de samourais à cheval , pour la première fois dans l'histoire du Japon : c'était à NAGASHINO en 1575 et cette bataille scella la prise de pouvoir de ODA NOBUNAGA et le début de la réunification du pays.
A la fin de la période MUROMACHI , le katana avait supplanté le Tachi ,et le port du Daisho ( Dai=grand , Sho=petit ) Katana-Wakizashi commençait à se développer de façon notoire .

PERIODE AZUCHI-MOMOYAMA : 1573 - 1596

Cette période marque l'unification du japon et la domination totale et exclusive de la société nippone par la classe des guerriers .
Les précédents guerriers dirigeants du pays demeuraient fidèles aux traditions féodales dans leur administration des affaires ; ce nouveau gouvernement , détruisit toutes ces anciennes structures et tous les privilèges accordés aux aristocrates .
HIDEYOSHI entreprit une importante et drastique réforme agraire ; il n'hésitait pas à offrir des terres aux " fermiers "mais en contre-partie , il les prive des épées héritées de l'époque du SENGOKU ( KATANAKARI ).Il accentua tellement le gouffre entre guerriers et fermiers que la culture du riz était devenue indispensable,vitale même pour ces derniers .Ces bases sociales seront celles de la structure féodale des 3 siècles à venir .
Durant cette période , les cinq traditions du GOKADEN perdirent peu à peu leurs propres caractères .De nouveaux styles apparurent dans différentes provinces , reléguant presque totalement les anciennes traditions aux oubliettes .Ces nouvelles lames répondent au nom de " SHINTO " ou nouveaux sabres .
A cette époque , l'un des principaux changements vint surtout de la mode que constituait le port du daisho . On ne sait pas précisément qui a lancé cette nouveauté mais l'une de ses premières références concerne le samourai MAEDA TOSHIIE qui porta cet ensemble , l'autre référence concerne la donation de cet artifice par TOYOTOMI HIDEYOSHI en remerciement à un seigneur de guerre MIZOGUCHI HIDEKATSU .

FIN AZUCHI-MOMOYAMA - MI-EDO : 1596 à 1781 : LES LAMES SHINTO ( " Nouveaux sabres " )

De nombreux forgerons SHINTO apparurent dans les plus grandes villes de chaque province . Après les guerres et leurs "fagots" de lames de médiocre qualité , les demandes pour ces armes se sont taries avec la paix nouvelle .
Les nouvelles exigences se portaient dorénavant non seulement sur des armes efficientes du point de vue du combat , mais également sur celles présentant un grand attrait artistique .
Cette période confirma et consolida le port du Daisho ; La paix engendra également la reconversion des guerriers en maitres d'arme ou en instructeurs ; La création des premières écoles de Kenjutsu ( l'escrime ) et de IAI commencèrent à apparaitre .

La différence de qualité entre les sabres Koto et Shinto portent essentiellement sur la qualité des aciers utilisés ,constitués de matériaux bruts et sur la qualité de la forge et des artisans .
En même temps que la production des lames en grande quantité de l'époque MUROMACHI , des techniques de production d'armes plus sophistiquées virent le jour comme les structures KOBUSE ou MAKURI par exemple ( cf Chap. VI ).
A la fin MOMOYAMA , de l'acier européen ( hollandais ou anglais ) portant le nom de NANBANTETSU ( ou encore HYOTANTETSU ou KONOHATETSU ) fut utilisé pour les armes . On sait aujourd'hui , que cet acier , trop riche en soufre et en phosphore ,n'était pas un métal approprié pour faire des épées ; cependant plusieurs forgerons l' utilisèrent et le notifièrent même sur les lames .

A cette époque également,la famile HON'AMI , employée depuis longtemps par plusieurs shoguns successifs , rédigea une classification des épées par des expertises ( KANTEI ) et établit les premiers certificats , " ORIGAMI " , d'identification et de reconnaissance des NIHONTO .
Dans ce recensement , les lames SOSHU furent les plus gratifiées pour leur excellence .

On attribue quelquefois la paternité des lames Shinto à UMETADA MYOJU de la province de YAMASHIRO , cependant celui-ci semble plutot avoir été un forgeron spécialiste des montures : TSUBA , FUCHI&KASHIRA , MENUKI , KOGATANA et KOGAI .( cf Chap.VIII ) .
On considère la période EDO pour le sabre allant de 1644 ( Ere SHOHO ) à l'arrivée des lames Shinshinto en 1781 . EDO ( TOKYO ) devint la ville phare du Japon ; Kyoto et Osaka , en devinrent les deux autres villes principales et se developpèrent grâce à la paix installée par les TOKUGAWA .
Si l'ère MOMOYAMA avait amené les forgerons à " lorgner " sur les modèles d'armes élaborées à la période KAMAKURA voire NANBOKUCHO , pour leur équilibre et leur qualité ,l'ère EDo allait voir apparaitre un style de travail de la forge sans précédent du point de vue qualitatif .
Finies les copies de tachi raccourci et sans signature , les lames Shinto sont arrivées ; parfaitement équilibrées ,raffinées , avec leur faible courbure et leur profil parfaitement effilé .
Les dimensions des lames portées par les guerriers ont été limitées par décret en 1638 à 84,8 cm pour un Katana et 51,4 cm pour les Wakizashi .Une modification de ces mesures advint de nouveau en 1712 avec 87,6 cm et 54, 5 cm de tailles respectives pour ces sabres .
Cependant , les grands katana n'étant plus guère populaires , la longueur de 70 cm fut adoptée et devint la dimension standard du daito .( on appelle JOSUN cette dimension standard )
Particulièrement inspirés , les forgerons créèrent des lignes de trempe jamais vues auparavant . Cette nouvelle tradition est connue sous le nom Shinto Tokuden .
Toutefois,certains forgerons,de SOSHU notamment,mais aussi des 4 autres traditions continuèrent sur les bases de celles-ci .
Cela contribua à donner une forge très diversifiée , disséminée un peu partout dans le pays , chaque endroit donnant lieu à ses propres caractéristiques de forge mélangeant les styles précédents , les forgerons vaquant librement dans le pays , au gré des "invitations" des daimyos .
Cette époque fut également marquée par les signatures comportant des titres ajoutés aux noms .De nombreux forgerons firent des efforts à cette période pour que la qualité de leur forge soit reconnue ; en obtenant ces titres , leur notoriété et leur aptitude artistique se retrouvaient dans le prix des lames qu'ils vendaient .
Ce fut aussi l'époque où les tests de coupe acquirent de l'importance au point d'être eux aussi mentionnés sur la lame .
Ces inscriptions portent le nom de " TAMESHI-MEI" ( cf Chapitre VIII ) .Ces tests de coupe attirèrent beaucoup les acheteurs et firent grimper les prix des sabres .Si le nombre des forgerons diminua , ceux qui perdurèrent ou apparurent étaient d'une grande habileté .
Les tanto se firent rares ; Les horimonos ( engravures ) perdirent leur aspect religieux pour ne devenir que des motifs de décorations .Les plus prestigieuses lames forgées à cette époque portent le nom de WAZAMONO .

MI-EDO à DEBUT MEIJI : 1781 à 1876 : LES LAMES SHINSHINTO .("Nouveaux-Nouveaux sabres" )

Au cours de cette période , l'évolution de la société japonaise ne permettait plus aux seigneurs de payer les guerriers par le salaire en ballots de riz comme dans le passé .
La nouvelle société nippone était en pleine évolution vers un système d'économie monétaire.Le modèle de la vie courante changea ; des désastres vinrent en plus modifier l'équilibre du peuple :l'influence des TOKUGAWA s'ébranlait .Les marchands s'enrichirent et devinrent plus puissants , les lieux de débauches et de jeu devinrent monnaie courante et leurs propriétaires , plus ou moins louches s'enrichir et devinrent également plus puissants .
Le gouvernement shogunal entama alors des réformes importantes du point de vue économique et social ; pourtant celles-ci eurent bien du mal à restaurer l'aura du shogunat .

Par ailleurs , le blocus exercé par les japonais sur le commerce à leurs frontières et leurs littoraux rendant difficile les échanges commerciaux dans cette partie de l'Asie , les occidentaux , notamment les américains entreprirent une démonstration de puissance avec des cannonières qui marquèrent fortement les esprits des japonais .
Ces évènements après plusieurs vicissitudes débouchèrent sur la fin du règne des TOKUGAWA et la restauration de l'impérialisme . ( voir Chapitre 1 : Histoire du Japon ) .
Et les sabres dans tout ça ?
Et bien , durant la fin des années SHINTO , depuis 1765 environ , un certain nombres de forgerons commençaient à revenir aux traditions anciennes à savoir KOTO , notamment des périodes KAMAKURA et NANBOKUCHO .Ce retour s'accompagna également de celui des Tanto , quasi absents de la période Shinto .Les principales traditions reforgées furent les BIZEN et SOSHU mais toutes les traditions furent à nouveau suivies sans oublier la shinto tokuden toujours pratiquée par certains fidèles .
Les forgerons de cette époque n'étaient cependant pas affiliés à une seule tradition et mélangeaient allègrement les éléments variés et divers de plusieurs traditions .
Il en résulta , malheureusement une forge dont EDO ( TOKYO ) devint le centre à cette époque , mais dont le succès ne s'avéra pas vraiment au rendez-vous .
Quelques forgerons firent tout de même exception à ceci ( fort heureusement ! ) .L'école SUISHINSHI de MASAHIDE eut du succès avec entre autres TAIKEI NAOTANE et HOSOKAWA MASAYOSHI puis SADAHIDE , les frères KATO , TSUNAHIDE&TSUNAYOSHI , SUKE MUNETSUGU & UNJU KOREKAZU , sans doute le meilleur , MINAMOTO NO KIYOMARO , etc .....
Le règne des lames SHINSHINTO dura jusqu'au HAITOREI en 1876 , c'est à dire , la promulgation impériale de l'interdiction du port du sabre . Ce décret , marqua la fin de la caste des samourais , celles des guerriers , de leur emprise sur la société japonaise , et avec eux la fin ou presque des forgerons , polisseurs et autres artisans du sabre .

DE MEIJI à HEISEI : 1876 à AUJOURD'UI : LES SABRES MODERNES ( GENDAITO , SHOWA-TO ,SHINSAKUTO )

Le HAITOREI marqua donc la fin de l'activité pour bons nombres de forgerons . Certains cependant s'attachèrent à poursuivre leur travail . KANENORI , YENSHIN et GASSAN SADAKAZU furent de ceux là .
La forge moribonde retrouva un semblant d'activité durant la période SHOWA de 1926 à 1945 et certains superbes spécimens purent encore être créés et admirés . Parmi ceux-là ,les pièces forgées et produites au mausolée YASUKUNI et celles des NIHONTO TANKEN KAI et NIHONTO TANREN DENSHU JO .
Parmi les productions de masses , les lames de guerres appelées SHOWA-TO , produites notamment à SEKI . Certains sabres de qualité ont également été créés de 1926 à la fin de la deuxième guerre mondiale . ( cf la partie consacrée aux GENDAITO chapitre VII ).

Depuis la restauration MEIJI ,les sabres modernes portent le nom de GENDAITO .
Le Gendaito est un sabre réservé essentiellement à la police et à l'armée ; ces lames ont souvent été issues de production industrielle , fabriquées avec de l'acier lui-aussi industriel , de qualité bien inférieur à l'acier des forges traditionnelles ; de toute façon la fabrication en masse suffit à rabaisser la qualité des sabres . Mise à part certains officiers, issus de familles de samourais qui purent faire monter certaines lames fabriquées pour des aieux en sabre militaire , ou les plus riches qui purent s'offrir des productions de qualité (provenant du YASUKUNI ou des NIHONTO mentionnés ci-avant ) et donc ont pu posséder des lames présentant des caractéristiques originelles , les autres officiers militaires furent voués aux lames industrielles bas de gamme . La plupart des sabres de factures modestes , étaient constitués de lames sèches et cassantes . Ces sabres pour l'armée portent le nom de GUNTO ; KAI-GUNTO pour la marine ,SHIN-GUNTO pour l'armée de terre , KYU-GUNTO s'ils arborent une poignée fermée à l'européenne .
L'occidentalisation du Japon se poursuivit dans le port du sabre ; celui-ci était en effet porté comme les antiques Tachi , suspendu à la ceinture par des bélières , tranchant vers le bas .

Après la guerre et la réddition japonaise,les américains occupant le Japon,ordonnèrent en représailles la saisie et la destruction de tous les sabres , dans le but d'ajouter l'humiliation à la défaite sachant l'impact psychologique du sabre sur la société nippone .
Heureusement , des possesseurs et amateurs avisés parvinrent à sauvegarder des pièces historiques et à les sauver de la destruction après de longues palabres avec les occupants US .
En 1950 , le NBTHK , NIHON BIJUTSU TOKEN HOZON KYOKAI ,l'association pour la préservation du sabre d'art japonais , s'est créée et sous couvert de sauvegarde de créations culturelles est parvenue à relancer l'intérêt pour celui-ci : création d'un tatara , incitation à la forge moderne avec des prix décernés , réalisation de KANTEI sur des lames anciennes vendues et exportées ,valorisant ainsi le travail de la forge et de l'art passé et présent , création de prix et d'une école pour polisseurs , diffusion du savoir et des connaissances des meilleurs spécialistes japonais ...
Les sabres fabriqués aujourd'hui par des forgerons vivants sont appelés SHINSAKUTO alors que le terme SHINKEN c'est à dire "Lames Vivantes", représentent les lames fabriquées durant les dernières époques ,tranchantes,actives au Tameshigiri, puisque de combats , il n'y a plus .
Ces lames sont fabriquées aujourd'hui encore par des forgerons talentueux, certains " reconnus " comme "trésors nationaux vivants " ce qui prouvent leur valeur et confirme que la forge nippone actuelle , relancée par le NBTHK est capable de créer des lames qui n'ont rien à envier à celles des grandes époques , KOTO , SHINTO et SHINSHINTO .

Sabres : Décrets et règlementations :

Evènements
Dates
Auteur du Décret
Teneur du texte
KATANAKARI
1588

Interdiction du port du sabre chez les paysans ( suite à la libéralisation du SENGOKU JIDAI ) et réglementation chez les bourgeois et marchands ( sabre court ).

HAITOREI
1868
Interdiction du port du sabre en public pour toutes personnes n'appartenant pas aux "services " ( Armée et Police) .
CONFISCATION DES FORCES D' OCCUPATION
1945-1947
ALLIES ( AMERICAINS )
L'occupant ( Américain ) confisque tous les sabres récents comme anciens , de guerre ( GUNTO ) comme les objets d'arts antiques et ordonne leur destruction .
RESTRICTION DE TAILLE DES SABRES
1638
IEMITSU TOKUGAWA
Tailles Limitées : KATANA 84,8 cm - WAKIZASHI 51,5 cm
RESTRICTION DE TAILLE DES SABRES
1712
IENOBU TOKUGAWA
Tailles Limitées : KATANA 87,6 cm - WAKIZASHI 54,5 cm

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 2 : Histoire des Lames